Derrière les châteaux de la Renaissance se cachent parfois de belles surprises en matière de jardin. De Talcy à Villandry en passant par Valmer et la Bourdaisiere, les jardins se veulent aussi cultivés avec des potagers et vergers où l’on retrouve des tomates, des carottes, des poiriers, des pruniers et tant d’autres fruits et légumes pour le bonheur des yeux avant de passer à la dégustation.
Depuis le XIVe siècle, le château de La Bourdaisière, à Montlouis-sur-Loire, a connu bien des propriétaires, jusqu’à l’arrivée du prince Louis Albert de Broglie en 1990 qui en a fait un hôtel de luxe mais surtout un véritable jardin d’Éden. Plus qu’un élégant château néo-Renaissance, c’est un domaine de 55 hectares que le prince jardinier a ouvert aux visiteurs. Marronniers, chênes, cèdres, séquoias donnent au parc une allure romantique et majestueuse.
De ce jardin ornemental et potager, Louis de Broglie a souhaité faire un jardin laboratoire. Rapportant des semis de France et de l’étranger, ce collectionneur a créé en 1998 le Conservatoire national de la tomate qui réunit aujourd’hui 650 variétés, de la “mémé de la Beauce” à la “cornue des Andes”, sur lesquelles veille le jardinier en chef Nicolas Toutain qui soigne aussi le potager et le verger. Ici, point de mécanisation ni de pesticides. Le visiteur l’attestera au bar à tomates après avoir savouré la récolte.
En harmonie avec les tomates, les 400 variétés de dahlias du Dahlia Color®, ce jardin contemporain dessiné par le grand paysagiste Louis Benech, enchantent la vue. Enfin, il y a la toute récente microferme, inspirée directement de la permaculture et portée par l’association Fermes d’avenir.
Au château de Talcy, si cher au cœur de Ronsard puisque y vivait Cassandre, le jardinier a aussi banni les pesticides. On y retrouve les allées vertes pleines d’achillées et de trèfle que l’on fauche régulièrement. Aux parterres décoratifs succèdent le potager et le verger conservatoire de prunes, nèfles et fruits rouges. Mais on y trouve surtout des poiriers et des pommiers en palissage : on attache leurs branches à des baguettes pour leur donner des formes de “cordelette” ou de “trident”. Autour du puits plane encore l’âme du poète puisque s’y enroule la rose “Pierre de Ronsard”.
Après la poésie de Ronsard, découvrons la dive bouteille, chère à Rabelais, au château de Valmer, monument établi sur un éperon rocheux surplombant la Brenne. Ici, 32 hectares de vignoble produisent des vins blancs de vouvray, “un vin de dentelle” tel que le qualifie la famille Saint-Venant, propriétaire des lieux. Les jardins Renaissance en terrasses descendent en pente douce, le végétal et le minéral se mariant sur huit niveaux où se succèdent balustrades, fontaines, escaliers et statues. Les propriétaires ont remis en culture le potager vieux de 500 ans. Un jardin au carré, puisque tout y est planté, des fruits rouges aux carottes blanches, dans des parcelles elles-mêmes subdivisées. Les arbres fruitiers – nashis (poirier chinois), pêchers ou encore figuiers – poussent en espalier au milieu des narcisses. Depuis 2014, une collection ampélographique présente tous les cépages du Val de Loire et les raisins de table. Et à Valmer, les fleurs ne sont pas seulement ornementales, elles se dégustent : le visiteur pourra goûter hémérocalles, nigelles ou capucines.
Enfin, revenons à Villandry et à son potager : vert du poireau, rouge de la betterave, vert vif des fanes de carottes forment avec les fleurs un damier multicolore sur neuf carrés identiques mais au motif géométrique différent. Le jardin de la Renaissance signe ainsi l’union de l’ornemental et du nourricier. De la culture et de la nature, en somme.