La Renaissance c’est quoi en Val de Loire ?
Une période si lointaine qui nous rappelle un souvenir de cours d’Histoire. Mais concrètement qu’a apporté le vent d’Italie dans le Val de Loire? Et aujourd’hui que pouvons-nous voir de l’architecture Renaissance à Blois?
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UN PEU D’HISTOIRE Renaissance !
Il désigne un mouvement intellectuel et artistique né dans l’Italie du Quattrocento, le XVe siècle, caractérisé par la redécouverte de textes antiques, la volonté de les imiter, en même temps que d’en faire une critique savante. Pour le grand public, qui dit Renaissance dit châteaux de la Loire. Mais c’est une vision restrictive : car d’une part, il existe des châteaux de la Renaissance dans tout le pays, notamment en Île-de-France, à commencer par Fontainebleau, qui est le principal chantier de la fin du règne de François Ier ; et d’autre part, la présence de la Renaissance en Val de Loire ne se borne pas aux grands châteaux.
La Renaissance a aussi irrigué tant les villes que les campagnes par la construction d’églises, d’édifices publics, de manoirs, de maisons et d’hôtels particuliers, etc.
L’apport de la Renaissance dans les arts
Dans les arts, l’époque se caractérise en peinture par la volonté de représenter l’espace de façon convaincante, qui se traduit par l’invention de la perspective atmosphérique en Flandre et géométrique en Italie… En art et en architecture, les artistes regardent l’antique et en imitent non seulement les formes mais aussi les principes constructifs.
La vie des Rois de France en Val de Loire
La circulation des hommes et des idées entre l’Italie et les Pays-Bas favorise, bien plus que les guerres d’Italie menées par Charles VIII, Louis XII et François Ier, l’arrivée de ce courant intellectuel et artistique en France. Dans le royaume, nul homme de pouvoir n’incarne mieux la Renaissance que François Ier. Il a en effet été le protecteur de Clément Marot et de François Rabelais, il fonde ce qui deviendra le Collège de France, crée le dépôt légal ; il est l’hôte de Léonard de Vinci et de Benvenuto Cellini, le bâtisseur des châteaux de Blois et de Chambord…
L’installation des Rois en Val de Loire est un héritage de la guerre de Cent Ans.
En 1418, le futur Charles VII, fuit Paris tombée aux mains des Bourguignons alliés aux Anglais. Il se réfugie à Bourges puis à Tours. S’il reprend Paris où il fait son entrée en 1437, lui et ses successeurs se méfieront longtemps de la capitale rebelle et lui préfèreront les séjours ligériens…
Louis XI naît à Bourges, grandit à Loches et réside dans le Val de Loire (Tours, Chinon, Loches) ; Charles VIII naît à Amboise, Louis XII à Blois, plus tard Henri II également à Amboise.
Chacun favorise la cité qui l’a vu naître.
François Ier lui-même, s’il est né à Cognac (son père est comte d’Angoulême), grandit à la cour à Amboise et Blois, où il séjourne le plus souvent au début de son règne, quand il ne rend pas visite à sa mère Louise de Savoie à Romorantin. Si après la défaite de Pavie et sa captivité à Madrid, il décide, à partir de 1527, de faire de Paris et de l’Île-de-France sa principale résidence, le Val de Loire n’en est pas pour autant délaissé et les enfants royaux sont élevés à Blois et Amboise dont le climat est jugé plus sain.
Une cour itinérante, qui va de château en château et de ville en ville, draine dans son sillage les princes, et surtout de nombreux nobles, serviteurs de la couronne, désireux de s’établir au plus près du roi. Elle compte, suivant les époques, de 5 000 à 15 000 personnes, impliquant une solide logistique, favorisant le commerce et le développement de flux financiers et attirant l’installation d’artistes, d’artisans d’art et de fournisseurs de ce qu’on appellerait aujourd’hui l’industrie du luxe.
Les villes obtiennent de chaque souverain la confirmation et le renforcement de leurs privilèges par la création de corps d’échevins (dont témoigne la construction de nombreux hôtels de ville), de foires ou l’implantation d’industries nouvelles comme celle de la soie à Tours ou de l’horlogerie à Blois. Le développement des échanges entraîne l’essor de la marine de Loire, que François Ier désigne comme la première voie de commerce du royaume.
UN NOUVEL ART DE« BASTIR »
Les premiers témoins d’une Renaissance apparaissent au milieu du XVe siècle. Le palais Jacques Coeur, à Bourges, est construit vers 1450 pour l’argentier de Charles VII. Si le décor demeure gothique, il est d’une abondance sans précédent et d’une ampleur qu’on ne retrouvera que cinquante ans plus tard à l’hôtel d’Alluye à Blois, construit pour un autre financier, Florimond Robertet. C’est dans les mêmes années que le répertoire antiquisant, déjà cultivé en Italie, apparaît sous le pinceau du peintre tourangeau Jean Fouquet, qui séjourne à Florence et à Rome vers 1445, et en rapporte les motifs de pilastres et de frontons, de chapiteaux corinthiens et de marbres colorés dont il peuple ses compositions.
Mais la diffusion de ce nouveau vocabulaire ornemental est lente. Ses successeurs en font vers 1480 des encadrements architecturaux pour les enluminures, il atteint la sculpture décorative vers 1490 et le décor architectural à partir de 1500.
On crédite souvent le voyage d’Italie de Charles VIII de l’introduction de la Renaissance en France. Mais plus que des architectes ou des peintres, ce sont des techniciens qu’il ramène en 1496 : menuisiers, orfèvres, tailleurs, et même des gardiens de perroquet ou un fabricant de couveuses, mais aussi des « deviseurs » de jardins. En effet, en Italie, plus que l’architecture antiquisante, trop savante pour être comprise, ce sont les jardins qui font l’admiration des Français.
Charles VIII à Amboise puis Louis XII à Blois font aménager des jardins en terrasses à l’italienne. Le Val de Loire se couvre alors de jardins. Hélas tous ont disparu et il ne subsiste plus à Blois des jardins royaux qu’une orangerie et le pavillon dit d’Anne de Bretagne.
LA PREMIÈRE RENAISSANCE
De vastes chantiers urbains
L’urbanisme manifeste peu ce souci nouveau de régularité et reste souvent fidèle au parcellaire médiéval. On peut néanmoins citer quelques exemples.
À Romorantin, fief de Louise de Savoie (mère du roi), Léonard de Vinci, appelé en France par François Ier, dessine le projet d’une cité idéale autour d’un palais royal à plan régulier dominant la Sauldre ; malgré quelques travaux de terrassements, le projet n’aboutit pas, mais plusieurs de ses idées sont reprises à Chambord.
En revanche on s’est préoccupé bien plus tôt d’améliorer l’adduction d’eau et de créer dans les villes des réseaux hydrauliques qui alimentent des fontaines publiques parfois monumentales, comme la fontaine Louis XII (1492) à Blois ou la fontaine de Beaune-Semblançay (1511) à Tours.
A Tours, on observe une intense période de construction de maisons à pan de bois de 1470 à 1520. Les maisons à pan de bois, souvent regardées comme « médiévales », datent le plus souvent de la Renaissance. Des maisons à pignon sur rue ou à gouttereau sur rue sont aussi répandues dès l’époque médiévale, ce qui perdurent.
D’autres demeures urbaines calquent leur modèle sur les logis seigneuriaux : corps de logis et escalier en vis logé dans une tour hors-oeuvre. Dans les hôtels urbains postérieurs, le logis élevé en fond de cour est parfois accompagné de jardins sur l’arrière (hôtel Sardini à Blois). Le décor devient abondant et gagne des demeures plus modestes.
L’évolution du décor
Le nouveau décor à l’antique apparaît discrètement vers 1500, à Blois sur l’aile Louis XII du château et à l’hôtel d’Alluye. Les commanditaires religieux peuvent au gré des sculpteurs et maîtres bâtisseurs passer du gothique à la Renaissance.
Après cette phase d’expérience, on constate la mise au point d’un style assez homogène dans les grands châteaux qui règne jusque vers 1540 et qui caractérise la Première Renaissance ligérienne. L’encadrement des fenêtres par des pilastres, inauguré à Gaillon en Normandie, est repris à partir de 1510-1515 dans les châteaux de Bury (détruit), Chenonceau, Azay-le-Rideau, Blois et bien sûr Chambord, entrepris en 1519. Ce langage formel donne naissance à une déclinaison plus diversifiée dans l’habitat urbain. Pilastres et corniches gagnent l’architecture religieuse.
Les lieux Renaissance à ne pas rater dans la ville de Blois
En 1498, suite à l’accession au trône de Louis II d’Orléans sous le nom de Louis XII, le château de Blois prend le statut de résidence royale.
Devenue capitale du royaume, la ville médiévale se métamorphose. La cour s’installe progressivement à proximité de son souverain. Courtisans et riches marchands construisent des hôtels particuliers et des maisons à pan de bois dont les riches décors évoquent les prémices de la Renaissance française.
La prospérité de la première moitié du XVIe siècle se traduit aussi par la remise à neuf à partir de 1512 d’un important réseau de fontaines et la réfection des églises Saint-Solenne et Saint-Saturnin. L’aménagement du château, poursuivi sous François Ier (entre 1515 et 1520), intervient en période de renouveau architectural. Le vocabulaire décoratif antiquisant et l’introduction timide des ordres dans les créations royales servent de modèle à toute la ville.
Mais après 1520 (début de la construction de Chambord), l’effervescence des chantiers s’estompe avec l’abandon progressif de la cour de Blois pour la nouvelle capitale : Paris.
Hôtel d’Alluye
(1500-1508)
8 rue Saint-Honoré
L’hôtel d’Alluye est édifié pour Florimond Robertet, trésorier de France, secrétaire des rois Charles VIII, Louis XII et François Ier. Influencé par l’art italien du Quattrocento, Florimond Robertet fait de son hôtel un manifeste de modernité tant par le plan que par le décor.
De dimensions sans équivalent dans le centre de Blois, l’hôtel se compose à l’origine de quatre corps de bâtiments, précédés d’une galerie formant un péristyle autour d’une cour centrale.
Au fil du temps, plus de la moitié de l’hôtel est détruit. Très restauré au XIXe siècle, il reste néanmoins une référence dans l’art de la Première Renaissance.
Hôtel de Condé
(1547)
3 rue des Juifs
Un cellier gothique et une galerie souterraine attestent d’une première
construction médiévale. L’ensemble du
bâtiment révèle un chantier tardif de la Première Renaissance française : fenêtres dépourvues de pilastres, escalier ne faisant pas saillie sur la façade, galerie à colonnes ioniques. Cette galerie, adossée au mur dans lequel est percé
le portail et s’ouvrant sur la cour par trois arcades inégales, donne toute
sa monumentalité à cet hôtel dont l’appellation “de Condé” reste sans fondement historique. Néanmoins, le duc de Guise aurait passé sa dernière nuit ici en compagnie de sa maîtresse, la marquise de Noirmoutier.
Hôtel de Guise
(vers 1520)
18 rue de Chemonton
L’hôtel est construit pour Nicole Simonnot, maître de la chambre aux deniers de Claude de France. Il se compose d’un corps de logis adossé à l’enceinte de la ville dont l’une des tours est visible à gauche et d’une courte aile en retour à droite.
Les façades sont ornées par un double cordon de moulures présentant une suite de médaillons sur le thème des 12 Césars. L’escalier se détache de la façade par une composition qui rappelle celle d’Azay-le-Rideau à la différence qu’il est ici en vis et qu’il occupe un angle. Son nom actuel lui a été donné abusivement au XIXe siècle.
Église Saint-Solenne
aujourd'hui cathédrale Saint-Louis
(1ère moitié du XVIe siècle)
Place Saint-Louis
Le monument est le témoin d’un long passé : ancien sanctuaire dédié à saint
Pierre à l’époque mérovingienne, église
consacrée à saint Solenne au XIIe siècle, elle connaît une importante campagne
de reconstruction au XIVe siècle et sous l’influence royale comprenant le choeur, la façade et la tour-clocher. Celle-ci manifeste d’ailleurs une tentative classique pour une architecture d’église rarement novatrice dans la région.
La nef était couverte d’un simple lambris. Le monument sera remanié au XVIIe siècle pour devenir ensuite la cathédrale du diocèse.
Église Saint-Saturnin
(1528)
Rue Munier - rue Croix-Boissée
Paroisse de l’ancien faubourg de Vienne, Saint-Saturnin est une très ancienne église de Blois. Vers 1500, la reine Anne de Bretagne contribue au chantier d’une nouvelle église dans le style gothique flamboyant : seuls les portails de la façade occidentale ainsi qu’une porte du bas-côté sud ont été construits.
En 1528, la confrérie des mariniers complète l’édifice par la chapelle Saint-Pierre de style Renaissance. L’église est
aussi célèbre pour son culte à Notre-Dame-des-Aydes comme l’attestent les
ex-voto dans le bas-côté nord.
Aître Saint-Saturnin
(1516-1520)
Rue Munier
Un aître, cimetière monumental à galeries, a pour fonction d’être un ossuaire. Constitué d’un préau entouré de quatre galeries, il a souvent été confondu avec un cloître. Mais une danse macabre sculptée sur les chapiteaux de la galerie sud rappelle sa fonction. Cette iconographie exprime l’égalité de tous devant la mort.
Construit entre 1516 et 1520, il devient en 1807 la buanderie de l’hôpital général. Mais après 1933, il est cédé à la ville de Blois qui en fait un musée lapidaire.
Pavillon Anne de Bretagne, jardin
(1er quart du XVIe siècle)
Avenue du Docteur-Jean-Laigret
Avec l’Orangerie, le Pavillon Anne de Bretagne est le dernier témoin des jardins royaux du château de Blois.
Construit dans les “jardins bas”, il est, dans la France du début du XVIe siècle, un exemple unique.
Malgré la présence d’un oratoire, la notion de “pavillon d’agrément” à destination royale est à retenir.
Il n’est néanmoins pas impossible d’envisager une fonctionnalité multiple en lien avec les jardins : lieu de recueillement, lieu de réunion en comité restreint, lieu de plaisir…
Fontaine Louis XII
(1511)
Place Louis XII
Sous le règne de Louis XII, Pierre de Valence, fontainier de métier, est chargé d’effectuer des travaux de canalisation dans la ville. À cette occasion, une fontaine du XIIIe siècle dépendant de l’arsis, le grenier comtal, est remplacée par l’édifice actuel.
Sur la nouvelle fontaine est sculpté le blason de la ville ainsi qu’une ornementation typique de l’époque gothique. Du XVIe jusqu’au XIXe siècle, la fontaine était accolée à des maisons formant un îlot aujourd’hui disparu. Elle n’a jamais changé de place depuis.
Hôtels d’Amboise
et d’Épernon
(Reconstruction XXe siècle sur
emplacement d'origine fin XVe siècle)
Place du Château
La reconstruction du château par Louis XII à la fin du XVe siècle s’accompagne de l’édification d’un grand nombre de demeures privées pour les proches du roi dans l’avant-cour du château et sur la terrasse du Foix.
À gauche, l’hôtel d’Épernon, dont les quatre baies du rez-de-chaussée ouvraient sur les cuisines, voit sa lucarne refaite au XIXe siècle.
À droite, l’hôtel dit d’Amboise, bâti pour l’officier chargé des chasses royales, Jacques de Dinteville, possédait une façade à pan de bois au décor gothique. Détruits lors des bombardements de 1940, les deux édifices ont été reconstruits après 1945.
Maison Usu Vetera Nova
milieu du XVIe siècle
1 rue Pierre-de-Blois
La construction urbaine à Blois commence à s’essouffler à partir des années 1530, lorsque François Ier décide de transférer le lieu du pouvoir à Paris.
La demeure 1 rue Pierre-de-Blois, du XIIIe siècle, témoigne cependant de remaniements sous le règne d’Henri II.
La porte d’entrée, encadrée de pilastres,
est surmontée d’une devise latine sculptée pouvant se traduire ainsi : “le vieux devient neuf par l’usage qu’on en fait” ou “avec le temps, le vieux devient neuf”. La maison médiévale est devenue une demeure Renaissance.
Hôtel Sardini
fin XVe - début XVIe siècle
7 rue du Puits-Châtel
L’hôtel particulier se distingue de la maison par ses accès et par un système de circulation destiné à relier les différents corps de logis. L’hôtel Sardini est un bon exemple avec trois corps de bâtiments occupant trois côtés d’une cour dont le quatrième est séparé de la rue par un mur percé d’une porte charretière.
La galerie s’inspire de l’aile Louis XII du château avec les piliers ornés de motifs italianisants. L’escalier occupe une place privilégiée. Placé dans la tourelle hors oeuvre, son entrée est mise en valeur par la sculpture du porc-épic, emblème de Louis XII.
Hôtel de Vareilles
fin XVe - début XVIe siècle
5 rue du Puits-Châtel
Sous Louis XII (1498-1515), plusieurs hôtels particuliers se construisent sur les
bases de demeures médiévales.
L’hôtel de Vareilles conserve ainsi les vestiges d’une cave voûtée du XIIIe siècle.
L’hôtel s’articule autour d’une cour avec trois corps de bâtiments presque indépendants. La tourelle d’escalier et la galerie couverte de voûtes d’ogives assurent les liaisons d’un corps à un autre. L’hôtel se distingue par le maintien d’un répertoire décoratif issu de la tradition gothique (gardecorps des galeries, voûtes d’ogives) et l’introduction timide d’éléments
italianisants (pilastres au-dessus de la porte).