L'empreinte d'Anne de Bretagne
Impossible de ne pas remarquer les emblèmes d’Anne de Bretagne au château de Blois – lettre A, cordelière nouée, armes de France et de Bretagne, et hermine. Inscrits sur plusieurs murs et vitraux, ils témoignent du rôle joué par cette reine, qui fut mariée à deux monarques, Charles VIII et Louis XII, et contribua au rapprochement de la France et de la Bretagne. Car c’est à Blois qu’elle vécut principalement pendant son second mariage, de 1499 à 1514.
Sa résidence habituelle se trouvait à l’emplacement de l’actuelle aile François Ier, dans le logis médiéval, où elle disposait de 300 personnes et d’une garde personnelle de gentilshommes de Bretagne. L’aile du château, dite de Louis XII, a été construite à son époque, mais elle ne l’a semble-t-il jamais habitée. Elle s’est éteinte au château de Blois le 9 janvier 1514 et au milieu des jardins se trouve un petit édifice qui porte son nom : le “pavillon d’Anne de Bretagne”.
Trois autres reines à Blois
Trois autres reines marqueront le château de Blois. Tout d’abord Claude de France, fille d’Anne de Bretagne et épouse de son cousin François Ier. Elle aurait suivi les travaux de l’aile François Ier à partir des années 1520. Catherine de Médicis, femme d’Henri II, fit ensuite ériger en 1563, au rez-de-chaussée de cette même aile, une galerie d’ordre dorique aujourd’hui disparue.
Enfin, Marie de Médicis fut exilée à Blois en 1617 par son propre fils, Louis XIII, humilié par son absence de partage du pouvoir (elle était régente depuis la mort d’Henri IV, en 1610). Elle y fit édifier des bastions qui serviront de soutiens à l’aile bâtie par son deuxième fils, Gaston d’Orléans. C’est par ces fenêtres du château de Blois qu’elle s’enfuit. Une anecdote qui traversa les siècles.
Des décors intérieurs magnifiques
Une reine chasse l’autre
Autre château à devoir beaucoup aux femmes : Chenonceau, surnommé à juste titre le “Château des Dames”. Pour cause, six grandes figures féminines y ont imprimé leur marque, à commencer par Diane de Poitiers, qui, en 1547, le reçut en cadeau d’Henri II, dont elle était la favorite de vingt ans son aînée. Elle y créa des jardins spectaculaires ainsi que le pont sur le Cher, qui a rendu le château unique. Mais à la mort du roi, en 1559, Diane de Poitiers fut éloignée des lieux par sa veuve, Catherine de Médicis, qui embellit à son tour le château. Régente de 1560 à 1574, elle dirigera, depuis son cabinet vert, un royaume divisé par les guerres de religion.
Plus tard, c’est toujours à Chenonceau que Louise de Lorraine, l’épouse d’Henri III, se réfugiera après l’assassinat de son mari, en 1589. Elle y portera le deuil jusqu’à la fin de sa vie, sans conserver le train de vie d’une reine, comme en témoigne encore aujourd’hui sa chambre plongée dans l’obscurité. Son décès, en 1601, marquera la fin de la présence royale au château de Chenonceau, mais certainement pas celle de l’influence des femmes…
Une présence éclairée
Il faudra cependant attendre le XVIIIe siècle, et le salon littéraire de Louise Dupin, entourée de « tous les gens de lettres, les académiciens, les belles femmes », comme l’écrivait Jean-Jacques Rousseau, pour que le château retrouve sa magnificence. Après elle, ce fut au tour de Marguerite Pelouze d’y laisser son empreinte. Issue d’une famille d’industriels, cette grande bourgeoise dépensa des fortunes dans sa restauration avant d’être ruinée à cause de son frère, à l’origine du “scandale des décorations” (1887). La dernière femme à avoir joué un rôle important à Chenonceau fut Simone Menier, qui géra l’hôpital installé dans ses galeries lors de la Première Guerre mondiale, et où furent soignés plus de 2000 blessés.
Diane de Poitiers à Chaumont
Tout comme Chenonceau, le destin de Chaumont-sur-Loire est étroitement lié à Catherine de Médicis et à Diane de Poitiers. Elles vont s’y croiser comme dans un jeu de vases communicants. Propriétaire dès 1550, Catherine de Médicis utilise le domaine comme lieu de chasse et comme point d’étape entre Amboise et Blois, en tirant d’importants profits grâce au péage sur la Loire et à ses terres agricoles. Mais à la mort d’Henri II, elle échange Chaumont contre Chenonceau avec Diane de Poitiers.
Dans sa nouvelle demeure, dont elle prend possession en 1562, l’ancienne favorite du roi poursuivra des travaux jusqu’à sa mort, quatre ans plus tard. On lui doit le chemin de ronde à mâchicoulis du châtelet d’entrée de l’aile orientale et de la tour Saint-Nicolas où l’on peut y voir ses chiffres et emblèmes (“D” entrelacés, arcs et carquois, cors de chasse et croissants de lune).
Une héritière originale
L’autre grande “héroïne” du château de Chaumont se nomme Marie-Charlotte Constance Say, petite-fille du sucrier Louis Say. Lorsqu’elle découvre le château à l’occasion d’une promenade sur les bords de Loire, il le lui faut ! La vente intervient le 17 mars 1875, alors qu’elle n’a que 17 ans. Mariée la même année au prince Amédée de Broglie, cette femme originale en fera sa résidence habituelle pendant un demi-siècle, et le cadre de réceptions fastueuses, où défilèrent souverains, savants et artistes du monde entier.
Imaginez une éléphante déambulant dans les jardins : ce fut la plus grande excentricité de Mme de Broglie, mis à part son cimetière de chiens et la tombe de ladite éléphante, Miss Pundji, encore visibles. Partiellement ruinée à la suite de revers financiers et du krach boursier de 1929, elle se résolut à morceler le domaine, dont elle fut expropriée par l’État en 1937, pour cause d’utilité publique.
Chambord entre de bonnes mains
À Chambord, la présence féminine fut sans doute moins théâtrale, mais tout aussi marquante. Deux femmes occupèrent en effet la fonction de surintendant des travaux. La première, Anne Gedouyn, était la veuve de Jean Le Breton, sieur de Villandry et constructeur du château de Villesavin, conseiller du roi, secrétaire de ses finances et président de la chambre des comptes de Blois. En 1543, elle fut commise par lettre patente du roi pour faire les devis et marchés du château de Chambord, dont elle sera nommée “concierge, garde-chambres et meubles” en 1545.
La seconde surintendante n’était autre que sa fille, Leonor Breton, veuve de Claude Burgensis, surintendant des bâtiments de Chambord après avoir été secrétaire du roi et de ses finances. À la mort de ce dernier, en 1568, elle fut commise au gouvernement du château de Chambord pour y faire toute réparation en survivance de son défunt mari.
Enfin, impossible de ne pas mentionner Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry, dont le fils, le duc de Bordeaux – Henri V pour les légitimistes –, deviendra officiellement propriétaire du château en 1830. Le 28 juin 1828, elle visita Chambord pour la première fois devant une foule nombreuse, et posa la première pierre de la restauration du château sur les terrasses de l’oratoire de François Ier.